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Un processus de recherche esthétique

À propos

► « Ghetto »

 

Depuis sa première utilisation à Venise en 1516, où il désigna d’abord une petite île où l’on obligea les Juifs à résider, le mot « ghetto » n’en finit plus de désigner par extension. Tous les quartiers assignés aux Juifs en Europe d’abord, les quartiers noirs aux USA ensuite, puis, partout dans le monde, tout quartier dans lequel se trouve une forte concentration d’une minorité, qu’elle soit ethnique, culturelle ou religieuse, qu’elle soit là par choix ou par contrainte.

 

S’ajoutent, par extension toujours, les connotations de grande difficulté et de ségrégation sociale, ou de réclusion. Sans oublier bien sûr un environnement urbain caractérisé.
Le « ghetto » convoqué singulièrement ces dernières années dans les champs de l’art, des médias et du discours politique devient par extension un puissant générateur de fiction, un mot-caméléon qui sait aussi se teinter d’acceptions valorisantes : « Tes baskets sont trop ghettos ».

 

La recherche esthétique que nous menons en lien avec le Groupe d’information sur les ghettos (g.i.g) se veut avant tout une traversée collective dans l’histoire de cette dérive terminologique, une plongée dans ce qui est devenu une béance de la langue.

 

► Le Groupe d’information sur les ghettos (g.i.g)

 

Nous avons fondé en 2015, dans le cadre d’une résidence aux Laboratoires d’Aubervilliers, le Groupe d’information sur les ghettos (g.i.g).

 

Le g.i.g agit comme un moteur fictionnel pour interroger le réel, pour remettre le sens des

mots et leur résonance poétique au cœur d’une introspection politique et sociale.

 

Rassemblant habitants, artistes et chercheurs, ce groupe a activé des protocoles d’enquête : écriture de questions, diffusion, récolte de données, traitement. Ces premiers travaux menés pendant trois ans dans la ville d’Aubervilliers ont donné lieu à la publication du Questionnaire élémentaire, un questionnaire poétique et frontalement politique. Cet outil permet depuis de constituer un fonds documentaire régulièrement convoqué pour alimenter une réflexion collective sur les mécanismes d’exclusion et de repli. Un travail collectif qui se poursuit aujourd’hui partout où nous nous implantons, que ce soit dans des zones urbaines ou rurales : Aubervilliers, Saint-Ouen, Marseille, Caen, Carentan, Strasbourg, Lille…

 

 

► Inventer pour la scène une restitution en forme de réactivation

 

S’emparer d’un questionnaire et de la profusion de réponses qu’il a générées pour les porter à la scène, donner corps, littéralement, à une série de questions et aux paroles et événements que certaines d’entre elles déclenchent, trouver sur le plateau les résolutions permettant de créer, le temps d’une représentation, un état de remise en question collective, critique et poétique. Cette pièce repose sur ce défi : créer une expérience de partage avec les spectateurs, une expérience de théâtre intense et singulière dans sa capacité à impliquer chacun.

 

Les matériaux avec lesquels nous écrivons portent en eux une aura particulière, la mémoire brûlante des discussions qui les ont fait naître, celle de rencontres organisées ou improvisées avec tous ceux pour qui s’impose aujourd’hui, comme alternative à la résignation, à l’acceptation ou aux réponses toutes faites, l’urgence d’une ré-interrogation d’un monde qui n’en finit plus de se cliver. C’est cette urgence que nous voulons aujourd’hui porter à la scène.

 

► Génèse du g.i.g

 

 Profondément marqué par les archives du Groupe d’Information sur les Prisons (GIP), mouvement d’action et d’information né en 1971 et ayant pour but de permettre la prise des parole des détenus et la mobilisation des intellectuels et professionnels impliqués dans le système carcéral, j’ai proposé à Sonia Chiambretto que nous en inventions le prolongement poétique.

 

« La création que nous proposons aujourd’hui est née de notre rencontre, puis des nombreuses rencontres que ce vaste projet collectif a provoqué. Il mobilise nos pratiques artistiques respectives, l’écriture bien sûr, mais aussi une envie d’inventer dans la complémentarité et d’affirmer aujourd’hui un travail pour la scène ».

Yoann Thommerel

 

« Lorsque Yoann Thommerel m’a parlé du Groupe d’information sur les Prisons, j’ai immédiatement fait un lien entre leur mode d’action et mon processus d’écriture. Je me suis notamment reconnue dans l’un des objectifs que poursuivait ce groupe : donner la parole à ceux qui ne peuvent pas la prendre. J’ajouterais celui-ci : porter la parole de ceux qu’on ne veut plus entendre ».

Sonia Chiambretto