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Place - note d'intention

NOTE d’INTENTION

Je suis née à Bagdad. Quelques années après la guerre Iran-Irak, ma famille et moi sommes partis en vacances en France. La première guerre du Golfe a éclaté, les frontières se sont fermées, nous ne pouvions plus rentrer, alors nous sommes restés. En attendant. En attendant la paix, en attendant la fin de l’embargo, en attendant je ne sais plus trop quoi exactement. J’avais alors 5 ans. J’ai grandi à Paris, dans un « en attendant ».

 

 

Je me suis construite en suspension, entre deux langues qui s’interdisent l’une l’autre, sur un entre deux. Ma famille s’est barricadée dans l’espoir d’un éventuel retour. Cette illusion a tué en mes parents toute initiative de transmission de ma culture d’origine. J’ai été propulsée dans une cour de récréation avec des enfants, des adultes, des chansons, des saveurs, des saisons méconnues jusqu’à lors, qui faisaient résonner en moi la ritournelle de la différence, et une peur viscérale que quoique je fasse je serai irrémédiablement ramenée sur le banc du service étranger de la préfecture de police.

 

 

« Place » est née de la nécessité de parler d’une impasse, de ce sentiment qu’éprouvent parfois les « étrangers » à n’être jamais au bon endroit, de la bonne façon. Une quête permanente de légitimité dans les yeux des autres et les dégâts qu’engendre l’assimilation.

 

 

J’ai appris à être au monde malgré la culpabilité de ne pas savoir d’un côté et la honte de ne pas savoir de l’autre. J’ai voulu raconter les alliés et les obstacles. Raconter les peurs sourdes qui tuent la dignité et effacent les rêves. Raconter un basculement dans la perdition d’un dédoublement, d’un paraître, d’un besoin obsessionnel d’être acceptée, coûte que coûte.

 

 

Puis, une délivrance, à la lisière d’un poème, de mes propres yeux, de deux peuples.

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