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Note d'intention

Un Instant
À propos

« La mémoire est le fil conducteur de notre existence et de notre identité. Mais jusqu’à quel point nos souvenirs sont-ils fidèles à la réalité ? Nous avons le plus souvent et de bonne foi le sentiment très net que ce qu’on sait avoir vu ou entendu est une copie conforme des événements vécus. Cette conviction est pourtant contredite par des décennies de recherche en psychologie montrant que le souvenir d’un événement n’est pas un duplicata, mais plutôt une adaptation, une recombinaison, et parfois une transformation radicale de l’original. »

Angela Sirigu

 

La vérité de cette création se fonde sur mon obsession de comprendre, par un examen presque clinique du cerveau, le mécanisme qui mène l’artiste à la mise en récit. Comment Proust décide-t-il à un moment de s’enfermer pour écrire ce livre ? Avait-il tout en tête, toute la structure, en s’asseyant pour s’y mettre ? A-t-il noté toute sa vie des petits récits pour les ressortir tout d’un coup...? Quelles conditions intérieures suscitent un tel geste ? La Recherche est le texte qui correspond non seulement à cette quête personnelle mais qui en soulève les questions exactes, déploie les rouages qui mènent d’un vécu à une œuvre, d’un souvenir à sa mise en art. Il me semblait que dans ce rapport, les trois grands axes à creuser étaient l’enfance, le deuil et le surgissement de la mémoire. Et ces grands pans de la Recherche correspondent à trois grands duos proustiens : le narrateur et Françoise ; le narrateur et sa grand-mère ; Marcel Proust et Céleste.
Notre hypothèse de départ était donc la situation d’un médecin face à un patient qui ne se souvient de rien et à qui il propose un effort de restitution ; une psychanalyse. Au début du travail, j’avais donc l’intuition d’un duo où l’une aiderait l’autre à l’ouverture des tiroirs de sa mémoire. Ce qui était incroyable, c’est que ce médecin, qui était plutôt Hélène Patarot, répondait de plus en plus par son propre récit de vie. Le rapport s’est renversé.

 

Aujourd’hui, le malade, c’est Hélène. Proust, s’il y a un Proust, est plutôt le visiteur qui vient analyser comment elle se souvient, peut-être pour écrire lui-même et pour comprendre mieux son propre rapport à la mémoire et à l’adéquation – ou l’inadéquation – entre récit et souvenirs, pour mesurer la transposition totale qu’opère la mémoire pour passer de réalité à récit.

 

Ce sera un spectacle sur la mémoire et l’exil de soi (Hélène Patarot raconte son histoire personnelle qui est mise en perspective avec l’histoire du narrateur de La Recherche. Les manques de leurs mères, les liens à leurs grands-mères, les deuils, les départs. Les souvenirs. L’émotion qui naît réellement de la remémoration d’un instant.

 

Quelque chose tient dans le parallèle qu’il existe entre le récit de Proust et celui d’Hélène Patarot (sa mémoire et le Viêtnam).

 

De quoi est-ce qu’on se souvient ? Est-ce la réalité ou la transposition/transformation de nos fantasmes ? La métempsycose. La vérité n’est-elle pas contenue uniquement dans les objets ?

 

Le vrai est lié au hasard. La mémoire involontaire.

 

À travers leurs récits respectifs nous naviguons dans leurs troubles.

 

Jean Bellorini

septembre 2018