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Note d'intention

de Simon Abkarian
À propos

Dans ce diptyque j’ai créé une unité de lieu : la Méditerranée, pour être plus précis, le quartier. Je ne cite pas de pays. Je me perds dans une géographie imaginaire. Je pratique le vague. Aussi je donne à mes personnages des noms qui sont libres de toutes connotations - j’allais dire «libres de droit» - libres de toutes connotations nationales ou religieuses.

Zéla, Astrig, Théos, Vava, Aris, Minas, Dina, sont des noms qui contournent les certitudes et les peurs engendrées par les guerres actuelles. Je brouille les pistes afin de donner un peu de lest à l’esprit du spectateur. Non pas que je sois un stratège de l’art dramatique mais je veux éviter les interférences, laisser le choix à ceux qui écoutent, ne pas les encourager dans leur «convictions» partisanes ou leur rejet d’une réalité distillée au quotidien par des médias avides de sensationnel.

Toute cette démarche, cette ruse presque, consiste à désamorcer les certitudes de ceux qui croient savoir. Elle me permet d’être frontal dans mon écriture, elle me donne l’espace de l’intime, celui du corps à corps. Elle m’autorise la brutalité verbale et la distance que procure le lyrisme. Après le vague, je laisse planer le doute. Je le laisse s’installer dans le ciel de chacun et je le fais à dessein. Je délocalise la guerre et laisse le spectateur fixer l’endroit dans son propre imaginaire, dans sa propre actualité. Je veux qu’il se détache de ce qu’il croit savoir – «savoir» qui lui a été imposé à son insu ou non - et qu’il se mette à déchiffrer sa propre cartographie, celle de sa pensée. Je veux qu’il se perde et lui laisser le choix de se retrouver dans l’épicentre du conflit.

 

Le théâtre est, me semble-t-il, l’ultime lieu qui tient en son sein toutes les géographies. L’imaginaire ne peut se Laisser conquérir par des drapeaux, des croyances mortifères ou des légendes monocycliques. Ma Méditerranée n’a ni frontières ni étendards, ma Méditerranée est un chant qui se murmure depuis des siècles à venir.

 

Enfin, ce qui lie les œuvres, c’est la parole des femmes. Je me devais de leur dédier mon travail, car ce sont elles qui ont donné des ailes à mon émancipation, ce sont elles qui ont ouvert l’œil de mon discernement. Elles encore qui ont donné corps à une autre vision du monde. Elles tiennent un rôle majeur dans ma vie et donc dans mon écriture. Et je ne parle pas seulement de ma mère ou de mes tantes ou de mes voisines d’enfance, mais de toutes ces femmes rencontrées sur le chemin de ma vie, qui me constituent et qui de loin ou de près continuent à œuvrer en moi. Je n’aurai de cesse de leur dire merci.

 

Simon Abkarian