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Note d'intention

Anouk Grinberg et Nicolas Repac
À propos

« L’art ne répare pas de la perte, il lui répond »

 

On connait de l’Art brut la peinture, la sculpture, des installations géniales, mais on ne connaît pas les « Textes Bruts ». Ce sont le plus souvent des lettres d’hommes et de femmes que la famille ou la société avaient enfermés: quelques-uns étaient malades, mais d’autres étaient juste bizarres comme vous et moi, et ont passé des années dans des asiles, parfois leurs vies entières, sans comprendre pourquoi. Mis hors du monde, ils voulaient qu’on ne les oublie pas, alors ils « parlaient par-dessus le mur », envoyant à leurs proches ou aux directeurs des institutions des lettres, des supplications, des poèmes, des signes stridents de vie. Mais rien de tout ça n’a été lu, les services médicaux considéraient sans doute que ces gens n’étaient pas à entendre, et n’avaient pas droit de cité…

 

Or ces textes sont du pur art. Du pur « jus de vivre ». En même temps qu’on voit l’humanité gâchée, on voit l’humanité à l’état pur, l’envie de vivre à l’état pur. C’est confondant de tendresse, de rage, d’amour, de drôlerie ; il y a de l’innocence à en pleuvoir. Au-delà de ces vies empêchées, il y a quelque chose de notre condition humaine qu’on entend vibrer comme jamais : C’est la vie, la vie, la vie. L’effet que ça fait de vivre… Et le spectacle ne décide pas s’il faut pleurer ou rire devant ces frères de misère, si cocasses et déchirants. Il penche vers la fraternité. Aucun de ces auteurs ne savait qu’ils créaient quelque chose de grand; mais nous, aujourd’hui, nous le savons. Il n’y avait chez eux aucune prétention artistique, mais il y avait la nécessité vitale de respirer, échapper, inventer, faire face. Et alors c’est l’art à la naissance de l’art, l’art à l’état brut. Beaucoup de grands écrivains reconnus ont rêvé d'écrire avec cette inventivité dans la langue et la pensée, et beaucoup s’en sont même inspiré, sans jamais citer ces maitres du « hors-piste ». Dans ce spectacle, ces auteurs sont enfin réunis. Nicolas Repac a inventé pour chaque texte des musiques qui les mettent en lumière. Notre vœu constant était de les faire sortir du ghetto de la folie, et d’épouser la vie qu’ils contenaient.

 

Anouk Grinberg

 

 

Je joue des petites notes, des toutes petites notes avec des petits instruments. Quelques petites notes qui glissent sur la peau des mots, sur la chair des mots. Des mots qui nous délivrent des maux.
Des petites notes de rien du tout comme nous. Je joue des petites notes pour être près de ceux qui vivent avec des murs autour.

 

Nicolas Repac