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Note d'intention

À propos

Ma présence en Europe et en quelque sorte mon exil provoquent en moi un mouvement auquel je ne m’attendais pas dans mon rapport à la judéité.

 

A l’heure où j’écris, les évènements récents dans mon pays (Jérusalem fête son ambassade américaine, Gaza pleure ses morts) et ce que j’ai appris sur la complicité de la France et des pays occidentaux depuis longtemps m’ont fait me rendre compte que même si je ne me sens pas juif, je le suis de fait. J’ai une appartenance qui me dépasse à un peuple qui m’échappe. Ce peuple tellement différent entre Israël et ici, entre ce qui est montré à la télé et ce que j’en connais, m’interroge. Ma judéité, ma relation avec les juifs éclatent ici. C’est en France que j’ai découvert que j’étais juif.

 

The Jewish Hour est la seconde partie d’une trilogie ayant pour toile de fond le conflit israélo- palestinien, après le premier volet TBM - Tunnel Boring Machine (2017). Pour cette nouvelle pièce, je m’inspire du panorama juif dans la France d’aujourd’hui. L’imagination est une rébellion, et mon texte est un ennemi de la réalité. Pendant une émission radiophonique qui s’appelle The Jewish Hour, on découvre en direct la mort de Bernard- Henri Lévy. L’évènement est l’occasion d’une plongée dans les faits et gestes de la vie juive.

 

Dans ce paysage chaotique, je tricote une nouvelle histoire, l’histoire d’une femme, d’une journaliste. The Jewish Hour est son émission phare. Dans ce programme d’une heure, elle parle de l’actualité politique, économique et sociétale, uniquement sous le spectre du “peuple élu”. L’émission est composée de journaux, d’une revue de presse, de chansons, de publicités, de chroniques thématiques et d’un seul invité.

 

C’est dans la rencontre entre ce dernier et la présentatrice, et grâce à l’hypothèse dramatique délirante de la « fictionnalisation » de la mort du philosophe BHL, que je vais chercher un moment de comédie aussi enlevée que cruelle sur un peuple, ses obsessions, ses névroses, mais aussi sur la judéité en France. A travers l’écriture de ce tableau et la voix de l’héroïne, je pourrais faire résonner mes critiques, mes questions politiques et sociales actuelles. Pour cette création, je souhaite donner une place importante à la musique et aux sons. En absence d’une scénographie, le paysage sonore créera un décor imaginaire de la pièce. La collaboration avec le créateur sonore, Romain Crivellari, est au cœur de la dramaturgie de The Jewish Hour. La musique et les sons donneront une dimension poétique à mon texte.

 

Depuis septembre 2017, le metteur en scène et l’auteur cohabitent : après la création au plateau de TBM, j’ai collaboré à l’écriture et co-mis en scène aux côtés de Lætitia Dosch la pièce Hate (création le 5 juin 2018 à Vidy, Lausanne), puis j’ai eu besoin de m’éloigner de la synagogue, loin de cette panique, de la peur, de la Rue de la Roquette, loin de Mireille Knoll. Plonger et convoquer la question : que reste-t-il de ma judéité après 5 ans en “galout”- hors de la terre sainte ? Qu’est-ce qu’être juif en France en 2020 ?

 

Yuval Rozman