accueil > Note d'intention

Note d'intention

À propos

Le fou qui voyage

 

Avant la France, mon premier voyage a été celui de quitter Pointe-Noire où je suis né, pour m’installer à Brazzaville, en 2001. Depuis, ma vie est cousue de voyages, de rencontres, d’hésitations et d’aller-retours comme autant de fragments qui me composent aujourd’hui. Certains pourraient croire que je vis en nomade, une sorte d’exil qui ne serait jamais définitif, d’autres au Congo, mes amis, peuvent m’appeler « le fou qui voyage ».

Partir, quitter un endroit et arriver ailleurs, refonder des repères ailleurs et être accueilli ailleurs sans jamais se perdre : le voyage défie toujours le voyageur. Et c’est vrai qu’il y a peut-être un peu de folie à ne jamais cesser de s’y confronter. Notre propre corps, alors seul et dernier repère, est un allié face au dépaysement.

 La question du corps en déplacement qui rencontre d’autres corps, qu’ils aient voyagé ou non est la première question qui a animé mon désir de la pièce à venir. Et puis il y a eu cette image, celle de neuf danseurs et danseuses, des voyageurs-fous eux aussi, de couleurs, d’histoires et de voyages différents qui se retrouveraient tou.te.s au même endroit pour danser leur rencontre.

 Utopia / Les Sauvages (titre provisoire) est une terre d’accueil.

Chacune de mes créations sont des invitations faites aux danseur.euse.s, au public. Dès lors, ce n’est plus moi l’exilé, mais eux. C’est à eux d’apprendre à voyager, à moi de savoir les accueillir pour qu’une rencontre soit possible.

Utopia / Les Sauvages pourrait se passer à Paris ou ailleurs – dans une ville-monde en tous les cas, où toutes les ethnies se croisent, s’évitent, se jaugent, se tolèrent, s’apprivoisent avec plus ou moins de difficultés.

  « Même pas peur !»

On laisse toujours quelque chose de soi chez l’autre, on garde toujours quelque chose de l’autre en soi. Se rencontrer fait de nous des êtres hybridés, des monstres : Utopias / Les Sauvages raconte ces métamorphoses.

Deux corps qui se rencontrent au risque de se perdre, demande un courage sauvage, comme celui de deux animaux qui se croisent. C’est cette énergie farouche, profondément humaine et paradoxalement animale qui anime ce groupe de danseurs et de danseuses.

« Tomber c’est humain, se relever c’est divin » dit le dicton. J’imagine ces corps traversés de luttes, d’incertitudes et d’échecs toujours vaillants, fiers et infatigables. Rencontrer un pays, une langue, un corps c’est se nourrir de son énergie et repartir de cette énergie hybride : rebondir. Utopia / Les Sauvages est agité de rebonds. De rebonds de corps en corps, d’espaces en espaces, d’exils en exils. C’est depuis cette énergie de vie, sauvage, archaïque, que nous danserons, et ferons tomber les murs pour se rapprocher les uns des autres.

 

Cette pièce montre des corps différents traversés par des énergies communes ou singulières qui occupent, évoluent et vivent sur un même territoire, cette scène, cette ville-monde. Et ces corps apprennent à circuler ensemble, librement, sur ce territoire commun.

 

La scénographie que j’imagine mobilise des éléments verticaux, notamment des obélisques (rompues en deux, entières…) comme autant de murs intérieurs que l’on doit abattre pour aller vers l’autre, sans pour autant y perdre sa singularité, sa verticalité, son histoire ; comme autant de murs qui empêchent les voyages aussi. Des obélisques dressés, ou abattus, comme les corps des danseur.euse.s sur scène, aussi puissants que vulnérables.

Utopias / Les Sauvages s’attaque à la délicate question du « vivre ensemble » qui agite la pièce comme un défi, libère les énergies indomptables qui se déploient sur le plateau : les corps sont en lutte pour mieux dialoguer. Les repères se trouvent et l’harmonie par moments jaillit, mais avec l’autre ou contre l’autre ou malgré l’autre, en tâchant de ne pas se perdre dans la frénésie de la masse qui grouille.

Comme pour Monstres / On ne danse pas pour rien, et comme la musique occupe une place prépondérante dans mes créations, le plateau sera également occupé par un musicien multi-instrumentiste.

Un texte écrit pour l’occasion par Dieudonné Niangouna, un ami de longue date, leur servira aussi de partition pour raconter l’histoire de ces rencontres.

La lumière sera signée par Stéphane ‘Babi’ Aubert et la création sonore par Jean-Noël Françoise, deux fidèles compagnons de route.

 

DeLaVallet Bidiefono