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PISTES PÉDAGOGIQUES

À propos

UN REGARD NEUF SUR LES HÉROS

 

Le texte d'Homère fait l'apologie d'une virilité exacerbée traditionnellement propre au genre masculin, tandis que les femmes y trouvent leur légitimité à travers leurs rôles d'épouses et de mères. S'affranchissant de cette vision archaïque des deux sexes, la distribution des rôles procède à des glissements de genre entre les rôles. Hector est joué par Jade Herbulot tandis que Charlotte van Bervesselès endosse le rôle d'Achille.

 

Ce parti-pris a pour objectif de questionner les notions de « féminité » ou de « virilité » au centre de nos cultures et pourtant réduites à des archétypes fondés sur le genre. Il interroge ainsi les fonctions sociales antagonistes assignées aux hommes et aux femmes ainsi que la manière dont ces fonctions ont déterminé les rapports humains, dans la sphère privée et la vie publique.

 

D'une manière plus générale et au delà de la question du genre, c'est celle de la représentation du héros qui se pose. Est-il vraiment ce garçon grand, beau et fort que la statuaire antique hier et les films hollywoodiens aujourd'hui ont contribué à créer ?

 

Nous avons travaillé sans relâche à la déconstruction de ce stéréotype qui, parmi plusieurs écueils, coupe les personnages de leur fondation organique. L'Iliade renferme un matériel inouï de profondeur et de force à condition que l'on redonne à ses héros le statut qu'il mérite : celui d'un être humain fait de chair et de sang.

 

« L'humanite est partout, dans cette premiere épopée. Elle est la marque des héros, grâce a la facon dont Homère choisit ce qu'il veut taire ou bien montrer. Elle est dans son genie de tout ramener à l'humaine condition et dans son refus de toute limitation ethnique ou particulariste. A cet egard, L'Iliade inaugure en fait ce qui deviendra le desir d'universalite propre à notre culture, et l'ouverture aux autres que, contrairement à bien des civilisations, elle inscrit en tête de ses valeurs. »

 

Jacqueline de Romilly

 

MULTIPLICITÉ DES REGISTRES

L'un des fils rouges du travail de réécriture et d'adaptation est de restituer la multiplicité des registres que renferme le texte original. Il n'y a pas « une » Iliade mais bien plusieurs Iliade qui coexistent au sein de l'oeuvre d'Homère. Ainsi, les scènes de combats nous sont racontées au cours de longues descriptions aussi objectives et que sanglantes tandis que des dialogues déchirants et tragiques restituent les clivages entre les différents protagonistes.

 

D'une manière plus surprenante, les dieux apparaissent à plusieurs reprises sous un jour vaudevillesque et comique, comme lorsque Héra décide de déployer ses charmes pour séduire Zeus et ainsi détourner son attention des combats entre Grecs et Troyens.

L’anthropomorphisme des Dieux grecs les ramènent sans cesse à leurs conditions de créatures imparfaites et pleines de défauts. Bien mises en perspective, ces failles se révèlent savoureuses et permettent d'adopter un ton plus léger, enlevé et drôle.


Oui, il y a bien une part de comédie à mettre en exergue dans L'Iliade, et cet aspect contribue à déployer la richesse de l'oeuvre dans son intégralité.

Tout l'enjeu deviendra alors : comment être sérieux sans se prendre au sérieux ?

 

Pour restituer cet éclectisme, au fondement de l'oeuvre originale, les conventions théâtrales offrent une boîtes à outils riche et ludique. Niveaux de langage, présence ou non d'un 4e mur, costumes et lumières permettent la création d'un univers à la fois limpide et foisonnant, où les mondes coexistent les uns à côté des autres, chacun étant régi par des règles et des conventions qui lui sont propres. La circulation d'un niveau de jeu à l'autre crée une dynamique à la fois surprenante et réjouissante.

 

ESTHÉTIQUE : ÉPURE ET SYMBOLES

Le point de départ de la scénographie est celui de la simplicité afin de laisser toute sa place au récit et à la langue. Seulement le strict nécessaire : cinq chaises, une bande de papier kraft en avant scène pour figurer le champs de bataille et deux panneaux rectangulaires en fond de scène où sont indiqués les protagonistes du camp Grec et du camp Troyen. Les chaises figurent les tentes de chacun des personnages. Quatre d'entre elles sont alignées de cour à jardin au centre du plateau tandis que celle figurant la tente d'Achille se trouve au milieu en fond de scène.

Cet espace épuré a pour vocation de laisser agir la puissance de l'imaginaire chez le spectateur et met en exergue la puissance du récit homérique. Une fois établi cet espace et ses conventions, il évolue en direct et sous les yeux des spectateurs pour, à terme, être entièrement refondu.

En termes de dramaturgie, cette évolution correspond à celled'Achille : si au début celui-ci décide de se retirer du combat contre Troie, il choisira finalement de revenir se battre pour venger la mort de son compagnon, Patrocle. Ce changement d'attitude se matérialise par l’altération de l'espace : le champ de bataille est peu à peu mis en pièce par l'utilisation de faux sang et d'eau teintée de rouge. Le Scamandre se révolte contre Achille en tentant de le noyer sous ses eaux et en inondant le plateau par des seaux d'eau déversés contre lui et finalement, Achille emprisonne Hector dans un cercle de poussière blanche...