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Le mythe d'Orphée

À propos
Entre pulsion d’amour et de vie et pulsion destructrice – Eros et Thanatos
 
 
Le mythe d’Orphée est souvent mentionné pour illustrer le dualisme fondamental théorisé par les psychanalystes Sabina Spielrein et Sigmund Freud, la tension entre nos pulsions de vie et de mort, d’amour et de destruction.
 
L’amour et la mort sont si étroitement mêlés dans le mythe d’Orphée qu’on en vient à douter du sens qu’il revêt. Eurydice, happée par la mort, est deux fois perdue. Orphée, inconsolable, meurt déchiqueté par les Ménades (ou les Bacchantes), prêtresses de Dionysos, violentes et voluptueuses, rendues furieuses par la fidélité qu’il témoigne à sa défunte aimée. Quel pouvoir revêt donc l’amour ? Quelle pulsion l’emporte ?
 
L’ambiguïté crée de la complexité. C’est une chance à saisir.
 
 
 

Orphée, ou le triomphe du Poète

 

Orphée est le fils d’Apollon, le dieu musicien, archer, guérisseur, le dieu Lumière, le dieu Soleil, et de Calliope, Muse de l’éloquence, fille de Zeus et de Mnémosyne, c’est-à-dire la mémoire. 
Fruit de l’union de la musique et du langage, issu du feu éclatant de la nature (le Soleil) et du feu nourrissant de l’âme humaine (la Mémoire), Orphée est l’Artiste créateur, qui, Demi-dieu, est au-dessus du commun mais cependant mortel.


Orphée représente cette part humaine qui tend vers le sublime, qui irradie au-delà des contraintes naturelles, matérielles et physiques. Il est fait d’esprit, de lumière et de beauté.
Il est un passeur, il circule d’un monde à l’autre, fait fi de toutes les frontières, son art lui ouvre toutes les routes, tous les cœurs.


L’amour d’Orphée pour Eurydice est plus fort que la mort parce que le poète est détenteur d’un trésor, il connaît un langage puissant pour plaider sa cause. Orphée arrache, par son chant, la clémence de Perséphone et de Hadès. C’est l’Art, transcendant l’amour (la pulsion de vie), qui triomphe de la mort et de la disparition, marquant sa supériorité sur la nature. L’Art, fil tendu entre les hommes au-delà du gouffre de la mort, devient signe de reconnaissance, indice d’une exception partagée. Il sublime la vie et sauve de l’anéantissement. 

 

L’espoir, le doute et le désir de connaissance 
 
 
Ainsi, l’être humain oscille constamment entre l’espoir d’échapper à son sort naturel et d’accéder à l’immortalité – soit par la sublimation de l’art, soit par l’adhésion à la croyance en un au-delà divin – et le doute permanent que cela puisse advenir. Malgré tous les artifices, tous les sortilèges, tous les rituels, tous les chants, la mort serait-elle plus forte ? Serait-il possible que rien ne nous relie ? L’espoir et le doute ne sont finalement qu’un seul et même sentiment. Les humains voguent inlassablement, de la naissance à la mort, de l’un à l’autre. Orphée se retourne car il doute. Il perd sa bien-aimée car il ne croit pas les dieux. Mais en apercevant Eurydice, il regarde aussi l’intérieur des Enfers. Il voit ce qui est interdit. Il apprend. Cette curiosité sans doute inconsciente, cette soif d’en savoir plus, lui fait perdre l’objet de son amour. Le prix de la connaissance est la séparation définitive entre sujet et objet.