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Les pièces historiques

Shakespeare

On a pour habitude de classifier l’œuvre du plus illustre poète dramatique de tous les temps, qui reste unique par sa diversité, sa richesse, sa profondeur et sa beauté poétique.
Les trois parties d’Henry VI, écrites entre 1590 et 1592, appartiennent à la catégorie dite des pièces historiques qui sont au nombre de dix. Ces drames se répartissent ainsi que suit, d’après l'ordre chronologique de l’histoire :

 

La Vie et la Mort du Roi Jean

La Vie et la Mort de Richard II

La Première partie du Roi Henry IV

La Deuxième Partie du Roi Henry IV

La Vie du Roi Henry V

La Première Partie du Roi Henry VI

La Deuxième Partie du Roi Henry VI

La Troisième Partie du Roi Henry VI

La Vie et la Mon de Richard III

La Vie du Roi Henry VIII

 

 

L'ordre de composition est cependant très différent de l'ordre historique. Shakespeare a commencé par ce qu'on appelle la Première Tétralogie, qui comprend les trois Henry VI et Richard III. Puis, remontant l'histoire,  il a composé la série qui va de Richard II à de Richard II à Henry V.

 

Le Roi Jean et Henry VIII sont des pièces isolées — la première se situe approximativement entre les deux tétralogies, et la seconde tout à fait à la fin de la carrière du dramaturge (…)

 

Les deux tétralogies de Richard II à Richard III couvrent une vaste période, et, partant d’une déposition dont les conséquences tragiques se feront sentir tout au long d'un siècle d'histoire, vont jusqu'au massacre du tyran — après quoi s'ouvre une ère nouvelle de paix et de prospérité : 1399. Mort de Richard II, assassiné à Pomfret par Bolingbroke — Henry IV — 1485, mort de Richard III tué à Bosworth par Richmond — Henry VII. Elles ne semblent pas avoir été composées toutes deux suivant une idée directrice arrêtée d'avance, car la structure en est plus épisodique que véritablement construite, mais les grands thèmes qui en font la substance et résout en une unité organique générale, même si à l’intérieur de chaque pièce le désordre est plus apparent que la centralité. (...)

 

Les deux tétralogies sont en quelque sorte complémentaire l'une de l'autre, mais l'une est paradoxalement antécédente à l’autre. La première (dans la chronologie de l’œuvre) pose des problèmes qui ne semblent pas devoir être résolus dans la seconde, puisque c’est dans la seconde seulement que sont réunies les conditions dans lesquelles ils auraient dû se poser. En effet dans la chronologie de l’histoire, c’est de la déposition de Richard II que partent toutes les difficultés, aplanies seulement un siècle plus tard avec l’avènement de Henry VII. On peut dire, en gros, que tout en narrant les effets désastreux de la guerre civile qu’un roi faible (bien que généreux) n’a pu empêcher ni su arrêter, Shakespeare pose dans sa première tétralogie le problème essentiel de la monarchie de droit divin sous son aspect négatif : qu’est-ce qu’un roi très chrétien ne doit pas être ni ne doit faire pour conserver son prestige et affermir son autorité sur le peuple qu'il a reçu de Dieu mission de gouverner et de conduire au bonheur ? Tandis que dans la seconde, remontant aux origines, il pose le problème de la déposition et de la rébellion, afin d’étudier ce qu’un roi doit être, et doit faire pour mériter la mission, par Dieu confiée à lui, d’assurer l’ordre dans le royaume, la prospérité dans l'État et l’allégeance dans les cœurs. Henry V. le roi idéal, est ainsi précédé et suivi de r souverains discutables ou indignes, jusqu’au jour où Dieu, estimant que l'Angleterre a assez payé de ses biens, de son sang et de ses souffrances, choisira un instrument nouveau pour servir ses desseins — et ce sera Henry. Comte de Richmond, un Tudor.

 

Henri Fluchère in William Shakespeare, Œuvres complètes